top of page

J'AI LES BLEUS DE L'ORAGE

« La société a fait de mon frère un poids, car elle ne sait pas où le ranger. Pour elle, il ne produit rien. Pourtant il sait lire dans les atomes ! Il peut contourner des obstacles qui nous sont invisibles. Retracer au ralenti la chute d’un objet pour voir comment il est tombé. Fumer une cigarette entière en une seule inspiration. Dormir dehors dans n’importe quel climat. Raconter des blagues extraordinaires. Soigner la plaie ouverte de son tibia à l’air de la ville. Tendre l’atmosphère en 1 seconde et demie. Lancer des poèmes dissonants qui ressemblent aux distorsions du monde. Inventer des tubes meilleurs qu’à la radio. Il se fiche de ce que le monde attend de lui : il rit et respire fort et s’il s’emmerde avec toi alors il se lèvera sans rien te dire, il ira droit devant lui et il marchera (sans doute pieds nus car ses chaussures seront trop loin de ses mains). Il marchera droit comme un « i », même s’il est à 2 jours à pied de son lit. » 

 

Je prends au vol les paroles dites dissociées de mon frère diagnostiqué schizophrène. Je les prolonge. Je m’inspire de sa diffluence, faite d’images fortes, osées, et inclassables. Avec ces « emprunts  au réel » j’invente une langue scénique qui enrichit mon/les imaginaire.s, une adresse se déploie au plateau, franche, légère, décalée, sur le fil. Quelle.s fiction.s pour représenter le trouble ?

Quelle.s dramaturgie.s de la déréalisation ?

Qu’est-ce qui est pathologique, qu’est-ce qui ne l’est pas ? 

Et si la dissociation était un outil pour percevoir d’autres informations du monde, (se) réparer des traumatismes issus d’héritages familiaux, culturels, historiques ?

Si 1 belge sur 100 souffre de schizophrénie, 1 sur 3 a été confronté à des troubles mentaux durant sa vie. Il est temps de repenser nos relations à ces troubles et à ceux qui en souffrent, de comprendre ce que peut impliquer ce diagnostic sur une vie. 

Cette recherche est une rencontre entre plusieurs réalités qui questionne la réalité même. 

Proposition sonore réalisée dans le cadre des résidences confinées de la Fabrique de Théâtre.  

                         

Texte écrit et lu par Line Guellati, avec Marion Lory

Montage réalisé par TheMany / AntojO

Récoltes et prises de son de Amélie Lemonnier, Line Guellati, Marion Lory 

bottom of page